La "réserve" en droit international : les institutions concernées s’interrogent

dimanche 20 juillet 2008.
 

Lors de la quarante et unième session du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes qui s’est tenue à New York du 30 juin au 18 juillet 2008, le groupe de travail a produit un document sur une interrogation qui le taraude et qui a émergé lors de la quarantième session de janvier 2008. Cette interrogation concerne visiblement plusieurs organismes créés pour garantir les droits humains (human rights) parmi lesquels le comité des droits de l’"H"omme, le comité contre la torture et le comité pour l’élimination de la discrimination raciale : comment traiter "les réserves" émises par les Etats pour se soustraire à des articles des chartes et conventions internationales qu’ils ont ratifiées, face aux plaintes des particuliers et particulières signalant des violations de ces traités par les Etats parties ?

Le Groupe d’Intérêt pour le Matronyme se trouve en effet devant cette situation d’avoir instruit une plainte contre l’Etat français (selon la terminologie internationale de ces organismes "d’adresser une communication") pour violation de la Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes notamment au regard de l’article 16, 1, g de la convention (mais pas seulement). Or, la France oppose comme argument qu’ayant maintenu une réserve sur cet article, c’est-à-dire un droit de véto, et ce contrairement aux multiples injonctions du comité de la CEDAW, elle ne peut être poursuivie.

Voici quelques extraits conclusifs des délibérations du comité de la Cedaw dont le rapport complet référencé CEDAW/C/2008/II/WP.2 et intitulé "Document de travail sur les réserves dans le cadre de communications émanant de particuliers" est joint ci-après.

9. Dans le contexte plus large de l’examen des rapports des États parties, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a exprimé ses vues et préoccupations quant au nombre et à l’ampleur des réserves à la Convention dans ses observations générales nos 4, 20 et 21. Dans son observation générale no 21, le Comité a traité des réserves à l’article 16 de la Convention. Il a noté avec inquiétude le nombre des États parties qui avaient fait des réserves à l’égard de certains paragraphes ou de l’ensemble de l’article 16 et a demandé aux États parties « de parvenir à un stade où les réserves, notamment à l’article 16, seront retirées ».En 1998, le Comité a également publié une déclaration sur les conséquences fâcheuses que les réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes peuvent avoir sur l’instauration d’une réelle et totale égalité entre les sexes. Cette déclaration a été publiée dans le rapport du Comité sur les travaux de sa dix-neuvième session (voir A/53/38/Rev.1). Le Comité a estimé que les articles 2 et 16 étaient des dispositions essentielles de la Convention. En particulier, il a exprimé l’opinion selon laquelle « les réserves à l’article 16, qu’elles soient formulées pour des motifs nationaux, coutumiers, religieux ou culturels, sont incompatibles avec la Convention et donc illicites, et devraient être réexaminées, puis modifiées ou retirées ». Le Comité a également évoqué le paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention, qui reprend le principe d’illicéité contenu dans la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il a ajouté que ces réserves empêchent le Comité d’évaluer les progrès accomplis par les États parties dans l’application de la Convention, restreignent son mandat et peuvent compromettre l’efficacité de l’ensemble du régime des droits de l’homme.

10. Au paragraphe 363 de son rapport sur les travaux de sa vingt-quatrième session, le Comité a demandé à son secrétariat d’établir, pour examen par le Comité à sa vingt-cinquième session, une analyse de la ligne de conduite adoptée par les autres organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme quant aux réserves formulées à l’égard d’instruments relatifs aux droits de l’homme lors de l’examen des rapports et communications des États parties. Le rapport du Secrétariat sur les moyens d’accélérer les travaux du Comité a abordé les pratiques adoptées par les organes créés en vertu d’instruments relatifs aux droits de l’homme en matière de réserves (voir CEDAW/C/2001/II/4).

11. Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes n’a pas encore eu la possibilité de se prononcer sur les incidences juridiques des réserves émises dans le cadre de communications présentées par des particuliers. La question de savoir si le Comité considère que la détermination de la licéité d’une réserve relève de ses fonctions en matière d’examen d’une communication émanant d’un particulier reste donc ouverte.

Notre analyse est simple : la convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes n’a pas de raison d’être si les articles visant a éradiquer le patriarcat sont intouchables par le biais d’une réserve qui rend caduque l’intégralite de la raison d’être même des institutions internationales.

Le Groupe d’Intérêt pour le Matronyme


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