Instaurer le matrimoine comme contre-norme et comme facteur de cohésion sociale

lundi 25 septembre 2006.
 

Dans l’analyse féministe radicale matérialiste, l’appropriation du temps des femmes renvoie au fait que le temps consacré par l’épouse aux soins du mari et des enfants est sans limite ; son temps ne lui appartient pas. L’appropriation des produits du corps renvoie, au premier chef, selon Colette Guillaumin, au fait que l’enfant porte le nom de son père. Elle cite aussi le contrat qui, jadis, était passé entre le père de l’enfant mis en nourrice et le mari de la femme qui l’allaitait, et elle rappelle que, au temps des perruques « naturelles », c’est au père ou au mari qu’il revenait de vendre les cheveux de sa fille ou de son épouse. L’obligation sexuelle renvoie au « devoir conjugal » auquel l’épouse ne peut se soustraire. La charge physique implique non seulement les tâches en elles-mêmes mais encore le fait quelles sont médiatisées par le corps de la femme, par exemple dans l’opération de nettoyage.

Pour Guillaumin, le mariage constitue la surface institutionnelle, la surface contractuelle d’un rapport généralisé : l’appropriation de la classe des femmes par la classe des hommes. Dans le monde occidental, le mariage établit un rapport quotidien et spécifique entre deux individus. Toutefois, il n’est que l’expression particulière d’un rapport de classe général où l’ensemble d’une classe est à la disposition de l’autre. Autrement dit, le mariage légalise et entérine un rapport existant avant lui et en dehors de lui. Ce rapport, c’est l’appropriation matérielle de la classe des femmes par la classe des hommes. C’est ce rapport que Guillaumin appelle le sexage. Ce rapport est principal, même s’il peut entrer en contradiction avec le mode de production capitaliste dans lequel les femmes sont exploitées et non appropriées.

La reproduction inclut « à partir de la production des enfants et plus largement des individus un ensemble d’activités, à l’exclusion des activités de production de marchandises. Dans cette perspective, l’analyse de la famille est inséparable de l’étude des autres institutions qui concourent à la reproduction ».

* Le concept de travail englobe « tant l’activité professionnelle que celle développée dans la sphère domestique, leur mise en relation entraînant le renouvellement de l’analyse de la production ».

* La famille, n’étant pas le « lieu clos d’un domaine privé », doit être envisagée « en termes de rapports sociaux et non de rôles de sexe, en termes de division du travail et non de partage des tâches ».

Une attention particulière est accordée à la prise en compte de la transversalité des champs, de leur enchevêtrement de leur dépendance mutuelle, au détriment de la perspective de la juxtaposition, de l’addition, clairement illustrée dans la notion de « charge mentale » élaborés par Monique Haicault (1984) pour rendre compte de la situation des femmes qu’elle a interrogées (ouvrières, épouses et mères, et depuis peu propriétaires de leur maison pour laquelle un prêt doit être remboursé). En étant attentive au temps et à l’espace et à leurs connexions réciproques, Haicault montre bien que ces femmes n’additionnent pas les diverses tâches qu’elles effectuent (addition signalée par l’expression « double journée ») mais qu’elles sont amenées à organiser, à faire tenir ensemble, à superposer des charges incompatibles entre elles. L’accent est donc mis moins sur les tâches elles-mêmes que sur le travail mental nécessaire pour pouvoir les réaliser dans l’espace-temps (« charge mentale »).

Le système dont se réclame l’Etat français pour « préserver une unité de la famille » obtenir sa « cohérence, continuité et stabilité » en attribuant le nom du géniteur aux enfants, a pour conséquence paradoxale...que chacun des enfants d’une même mère ayant des pères distincts, portent des noms différents... Devant la réalité de l’organisation sociétale actuelle, formée de recompositions familiales de plus en plus nombreuses, la solution juridique précisément à ce souci deviendrait la fixité de la dévolution du matronyme, accompagné ou non, du patronyme. L’interdiction d’une transmission égalitaire du matronyme induit l’apparition de situation psychologiquement douloureuses.Une hiérarchie se créée au sein du couple et a des répercussions sur la relation à l’enfant ainsi que sur le système de valeurs qui lui est ainsi transmis du fait de la négation de la filiation matrilinéaire au regard de l’Etat Civil.

Conformément aux textes et lois européennes et internationales en vigueur, ainsi qu’au principe général d’égalité des sexes et plus spécifiquement à celui d’égalité femmes-hommes dans la transmission du nom de famille, l’institutionnalisation du nom matronymique comme nom d’Etat Civil doit être facilitée par la mise en œuvre d’une disposition simple et rapide. Il faut dans la législation que le droit des femmes à transmettre leur nom comme nom d’Etat Civil à leurs enfants soit reconnu, sans condition d’âge ni de statut matrimonial. Donc, que le droit de tout citoyen et citoyenne à porter le nom de sa mère comme nom d’Etat civil (unique ou adjoint à celui du père, à leur convenance), sans discrimination ni distinction soit reconnu. Les adultes doivent pouvoir choisir et donc rectifier librement leur nom d’Etat civil : soit le double nom dans l’ordre de leur choix, soit celui de leur mère, soit celui de leur père.

En droit français, une discrimination sexiste fondamentale empêche de porter son nom matronymique à l’Etat civil, rend impossible le changement de nom d’Etat Civil visant à substituer au nom patronymique le nom matronymique. Il y a une impossibilité de régulariser la situation réelle du nom vernaculaire, matronymique, dans les pièces d’identité d’Etat-Civil (certificat de nationalité française, acte de naissance, carte nationale d’identité, passeport, permis de conduire, etc.), engendrant un épuisement humain face à d’interminables inépuisements des voies de recours qui durent des décennies, disproportionnées au regard de la durée de vie humaine, des violences sexistes, du harcèlement moral de la part des serviteurs et serviteuses de l’Etat français tout au long de ces procédures. On constate une violation par l’Etat français des libertés fondamentales et des droits inaliénables tels qu’ils sont conférés par les textes et lois à choisir son nom d’identité, particulièrement celui de sa mère, son nom réel de famille.

L’héritage social, culturel, identitaire des mères doit être considéré comme un pilier de stabilisation familiale, sociale et politique.

Groupe d’Intérêt pour le Matronyme

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