La nomination des femmes au regard de la Convention CEDAW

Egalité de traitement dans les nominations des femmes et des hommes
mardi 27 juin 2006.
 

Rappel des textes de la convention CEDAW concernés par ce rapport :

PREMIÈRE PARTIE

Discrimination (article premier)

Aux fins de la présente Convention, l’expression "discrimination à l’égard des femmes" vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.

Mesures politiques (article 2)

Les Etats parties condamnent la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes et, à cette fin, s’engagent à :

d) S’abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l’égard des femmes et faire en sorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cette obligation ;

e) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quelconque ;

f) Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes ;

Garantie des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 3)

Les Etats parties prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes.

La France, en ne prenant pas de mesures volontaristes et claires telles que pourraient les appliquer des politiques publiques en ce sens, déroge aux articles premier, second et seize de la convention qui visent à l’élimination de toutes discriminations à l’égard des femmes, quel que soit leur statut matrimonial et vie familiale.

Ainsi, la France persiste à laisser croire en deux statuts juridiques, sociaux et politiques différents selon le sexe des personnes, sans effet pour les hommes sur leur intégrité et leur dignité, et spécifiants et restrictifs pour les femmes,et ce conféré par le statut matrimonial. Cette ségrégation sexuelle de statuts est en contradiction totale avec le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, avec la Constitution Française du 4 octobre 1958, ainsi qu’avec la CEDAW ratifiée par la France en 1981. Les usages datant d’une époque pourtant juridiquement révolue sont toujours en application en France. A tel point que les femmes qui veulent faire appliquer la loi n’y parviennent pas et subissent en outre des maltraitances de la part des services et des personnes qui leur font du tort et qui contreviennent aux lois ; Cette situation aberrante ne peut plus durer. Ainsi, alors que le statut matrimonial qui relève du droit privé, ne doit entraîner aucune restriction, ablation ou ajout de droit à aucun des deux sexes, la France maintient en place le dispositif opérant de telles distinctions à l’égard des femmes. Elle persiste à maintenir dans tous les textes officiels, dans toutes les réponses juridiques (le ministère de la justice est le plus en infraction à cet endroit), dans tous les fichiers informatiques, y compris au niveau des impôts une distinction de nom, de civilité, d’invisibilité ou de réduction donc une inégalité dans la « nomination » à l’endroit des femmes.

Par l’appellation discriminatoire « mademoiselle » (puisque inégale), les françaises se voient affublées d’une appellation différente, particulière et réductrice, interprétée dans la société Française comme un « manque », une impossibilité de plénitude de statut juridique lorsqu’elles n’ont pas contracté de mariage avec un homme. De cette façon, alors que les hommes sont considérés comme ayant un statut de complétude dès leur naissance, les femmes sont considérées comme incomplètes à leur naissance et tant qu’elles ne sont pas 1 - mariées ... 2 - à un homme. Le statut de complétude leur est conféré par le contrat de mariage hétérosexuel. Cette appellation publique, rédigée, systématique de dévoilement non seulement de leur vie privée, mais également de leur vie contractuelle et sexuelle, ajoute une discrimination supplémentaire pourtant elle aussi illégale, celle de l’hétérosexualité normée. Les femmes sont donc aux prises, individuellement avec des institutions qui leur imposent des violations et des insultes en contradiction avec les lois que l’Etat ne rappelle jamais. Il apparaît donc que la France en laissant subsister exclusivement pour les femmes, au niveau de la société civile, professionnelle, administrative deux libellés selon le statut marital exclusivement des femmes (mademoiselle/madame), cautionne et collabore à la perpétuation d’une discrimination dans les faits à l’égard des femmes, basée sur le maintien d’un statut différent des femmes et des hommes en fonction du mariage. De ce point de vue la réponse ministérielle n°5128 du 3 mars 1983 parue au JO du Sénat du 14 avril 1983 (voir annexe 1) est restée totalement sans effet ;

Lorsqu’elles sont mariées, les femmes atteignent dans la nomination « madame » l’égalité avec les hommes, qui ne leur est, selon ce principe, conférée que par le contrat de mariage passé avec un homme et non pas, par elles-mêmes. Atteindre l’égalité par un contrat de mariage avec un homme peut être considéré légitimement par certaines comme une atteinte grave à la dignité sociale, publique, privée, professionnelle et juridique des femmes. C’est en outre, en principe, contraire à la Constitution.

Mais ce faisant, en France, les femmes perdent simultanément le droit à exister sous leur « nom d’identité d’origine ». Ainsi, sans toujours le vouloir, elles disparaissent de tous les actes, dossiers et papiers officiels. C’est le cas pour les impôts, pourtant une institution d’Etat, c’est le cas pour les banques, c’est le cas pour les prêts financiers, c’est très généralisé. L’appellation devient « madame et monsieur Jacques Durand ». Encore une fois, les femmes qui veulent faire appliquer la loi qui garantit pourtant l’immutabilité du nom, n’y parviennent pas. Or, d’une part, les juridictions ne sont pas très favorables à l’idée de traiter ce type de dossiers devant les tribunaux, d’autre part, les femmes n’ont pas à devoir s’investir dans des procès pour faire appliquer la loi, et enfin, c’est inadmissible que ces situations perdurent en 2008. La France a enfin admis par la loi n°2002-304 du 4 mars 2002 le droit pour les femmes de transmettre leur nom à leurs enfants, quel que soit leur statut matrimonial. Cependant, cette loi n’est entrée en application qu’au terme de procédures à rebondissement, reportant d’année en année son entrée en vigueur qui n’a eu lieu qu’au 1er janvier 2005. On note néanmoins qu’en cas de désaccord entre les parents, c’est le nom du père qui sera attribué. Cette préemption patriarcale juridique demeure inadmissible.

En conséquence une action précise sur les modes opératoires suivant visant à éliminer toute forme de subsistance d’inégalité de statut entre femmes et hommes devrait être menée :

1 - la féminisation des règles d’orthographe, de grammaire et l’élimination du langage de toute forme de persistance de discrimination à l’égard des femmes, et toute terminologie créant ou laissant subsister ou supposer une anomalie dans l’égalité entre les femmes et les hommes en France. L’élimination des règles grammaticales de préemption du masculin sur le féminin en plus de l’extension des néologismes en matière de féminisation systématique du langage, outre les noms, titres, grades, fonctions, métiers etc. Recours à la rédaction épicène.

· suppression de la terminologie « homme » en lieu et place de « personnes humaines » (exception de la langue française) ; suppression de la terminologie « fraternité » en lieu et place de « solidarité » ;

· suppression du mot « mademoiselle » du langage, de tout document, texte, fichier à caractère administratif, professionnel, juridique, et de toute façon officiel ; suppression de l’expression « nom de jeune fille » à remplacer par « nom de naissance » ; suppression du « nom de femme mariée ou nom d’épouse » à remplacer par « nom de la/du conjoint-e »

2 - application obligatoire au quotidien des lois égalitaires quel que soit le statut matrimonial des femmes

· supprimer toute forme de violation du droit à la vie privée concernant le statut marital (mademoiselle), l’orientation sexuelle (préformatage de tous les documents officiels acculant au mariage hétérosexuel comme norme), les noms d’usages (nom d’épouse) qui ne doivent plus être interrogés en toute circonstance ; réduire ce type de questionnement (mariée, célibataire, veuve, divorcée, ...) à une utilité fondée et prouvée ouvrant des droits particuliers

· supprimer toute apparition de l’existence d’un époux, sauf mention contraire signifiée à la demande de l’intéressée. Permettre en contrepartie à tout homme qui le souhaite d’en faire autant concernant le nom de son épouse

· possibilité d’une déclaration d’impôts séparée, possibilité d’un habitat séparé dans les modalités légales du contrat d’union (mariage, Pacs...)

· chacun-e ayant le droit de disposer de sa vie privée, réforme de ce qui va à l’encontre de ce droit ou qui y porte atteinte

· la France vient à peine de se mettre aux normes quant à l’égalité de l’âge légal du mariage des femmes et des hommes, encore faut-il que cette loi soit appliquée et prévoient des sanctions facilement applicable et suffisamment importantes pour être dissuasives

Le Groupe d’Intérêt pour le Matronyme

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